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Néolithique européen

Néolithique européen

Cours 10 : La fin du Néolithique en Europe 4e-3e millénaires
I - Considérations générales et panorama chronoculturel

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Vers : L'organisation des études en L3 Néolithique européen


 

Cours en ligne - Licence 3

Néolithique européen

Cours 10 : La fin du Néolithique en Europe 4e-3e millénaires
I - Considérations générales et panorama chronoculturel

 

 

Jusqu’à présent, nous avons vu :

- ce qu’est la néolithisation,

- où elle se produit avec un peu plus précisément la néolithisation du Proche Orient,

- puis la néolithisation de l’Europe par les deux principaux courants : le courant méditerranéen et le courant danubien,

- Et enfin ce que créent ces courants de néolithisation, c'est-à-dire l’explosion de cultures archéologiques distinctes dès le Néolithique ancien dans les diverses régions traversées par ces courants.

  1. Considérations générales

L’apparition de ces entités culturelles aux identités marquées, est l’un des phénomènes majeurs de cette néolithisation. Mais, plusieurs autres phénomènes se produisent dès les premiers temps de cette colonisation de l’Europe, pendant le Ve millénaire. Il s’agit :

- de l’apparition de la métallurgie que vous avez pu voir lors de la dernière séance. Celle-ci ne se répand pas à travers toute l’Europe aussi rapidement que le Néolithique lui-même. Vous avez vu que si les premiers vestiges remontent au Ve millénaire, un foyer autonome se développera dans le Midi de la France à la charnière des 4e et 3e millénaires, soit probablement près de 1500 ans plus tard. Vous aurez noté par ailleurs que cette première, ces premières métallurgies n’ont finalement que peu de vocation pratique ou économique mais au contraire plutôt symbolique et identitaire : il s’agit d’ornements, de parures et d’armes et d’outils d’apparat pour l’essentiel.

- Deuxième phénomène, sur lequel nous reviendrons dans les cours thématiques et qui se met en place pendant cette même période, c’est le mégalithisme. En rupture avec ce que nous avons pu voir, celui-ci va se diffuser largement à travers l’Europe mais d’ouest en est et non d’est en ouest. En caricaturant, on pourrait dire que le mégalithisme est apparu à l’extrême occident de l’Europe, là où on ne pouvait plus aller coloniser plus loin, comme si l’accroissement de population qui engendrait le besoin de nouvelles terres, avait abouti à une nouvelle forme de compétition sociale. Mais ce n’est peut-être pas une caricature… Le mégalithisme n’est en fait que l’un des phénomènes qui marquent l’apparition d’une monumentalité exacerbée dans diverses régions d’Europe et aussi bien pour la sépulture que pour l’habitat : en témoignent les sépultures non mégalithiques mais gigantesques du groupe de Cerny et le développement des enceintes (fossés, palissades, levées de terre, murs) dès le Néolithique ancien et plus encore pendant le Néolithique moyen.

Si vous ne voyez pas bien où je veux en venir, je vous dirai de façon plus simple que la réussite de la Néolithisation porte en elle les germes de sa propre crise.

Le mode de vie néolithique, ce ne pas forcément la panacée, mais c’est une amélioration considérable pour les groupes humains. Ceux-ci croissent et se multiplient nécessitant toujours de nouvelles ressources, et c’est ce que l’on va retrouver par la colonisation des régions des lacs du Jura, une zone marge et finalement peu propice à l’installation humaine, où les groupes semblent s’implanter seulement lorsque le besoin s’en fait sentir.
De ce fait les premières implantations, c’est un hameau ou deux autour d’un lac, et à la fin du Néolithique c’est plusieurs dizaines de villages.
En même temps, l’économie néolithique suppose une organisation collective plus importante à la fois pour la réalisation de travaux de grande ampleur (défrichements, irrigation, terrasses de cultures, moissons…) et peut-être aussi pour protéger les récoltes.

Ce qui rejoint l’idée que la production d’excédents engendre à coup sûr l’envie et la convoitise du voisin.

Le Néolithique montre ainsi rapidement une sorte de dualité :

- D’un côté, les échanges à courte, moyenne ou longue distance se développent montrant les contacts et les relations entre les différents groupes humains.

- De l’autre côté, tous les marqueurs identitaires, les signes ostentatoires d’appartenance, de richesse que ce soit au niveau collectif ou individuel s’exacerbent jusqu’à trouver leur paroxysme aux 4e et 3e millénaires.

Au niveau individuel, il s’agit de parures et d’armes ostentatoires pour ce qu’on en retrouve mais aussi de sépultures privilégiées, « riches ». Au niveau collectif, c’est l’existence des enceintes, des monuments et des tombes monumentales qui marquent les territoires des groupes.

Parallèlement à cela, vous aurez pu remarquer qu’il n’y a pas une évolution linéaire dans la constitution des entités culturels (on ne va pas de façon simple du hameau isolé, au village organisé jusqu’à l’Etat centralisé.
Tout au contraire, on observe une alternance de grands ensembles culturels qui se divisent en petits groupes marqués qui se rassemblent à la période suivante dans une grande entité de géographie différente avec des influences et des relations plus ou moins lointaines et d’origines variées.

Ce sont donc tous ces phénomènes conjugués qui vont caractériser la fin des temps néolithiques et connaître un certain paroxysme à la fin du 4e millénaire puis sans doute encore plus au 3e millénaire.

Il n’est évidemment pas question ici de vous faire un panorama complet des cultures du Néolithique final d’Europe, sans doute plusieurs centaines de groupes importants et des milliers de faciès.

Je vais essayer de vous dresser un bref panorama général et d’attirer votre attention sur quelques ensembles particuliers qui permettront d’illustrer ces grands phénomènes que je viens de vous décrire, pendant la série de cours thématiques du second semestre.

Bien, vous vous souvenez qu’après une première période que j’avais qualifiée d’intermédiaire à la fin du Néolithique ancien et au début du Néolithique moyen qui voyait la première explosion des grandes entités cardiales-épicardiales et rubanées en petits groupes, nous avions un moment de restructuration de grands ensembles culturels se retrouvant sur des géographies considérables :
En France, il s’agit essentiellement du Chasséen et des groupes périphériques qui s’y rapportent.
En Italie, les vases à bouches carrées puis la culture de la Lagozza qui s’apparente elle aussi au Chasséen tout comme le Cortaillod en Suisse.
C’est sans doute le cas aussi de certains vastes ensembles allemands comme le Roessen et le Michelsberg.
Et dans toute l’Europe septentrionale, du complexe des gobelets en entonnoir (TRB).

A l’exception de ce dernier, le complexe TRB, qui perdure jusqu’au début du 3e millénaire en se diffusant à l’ensemble des régions de l’Europe septentrionale, les grands ensembles du Néolithique moyen disparaissent généralement autour de 3500 avant notre ère.

Cette période est plus ou moins bien connue selon les régions et chronologiquement, on peut la diviser en trois :
Une première période entre le milieu du IVe millénaire et environ 2900/2800. Et une deuxième période entre 2900-2800 et le Bronze ancien. Sachant que la fin de cette deuxième période peut être individualisée par la diffusion campaniforme à travers l’Europe qui fera l’objet du prochain cours.

La situation va, à travers toute cette chronologie, être différente en Europe centrale et en Europe occidentale.

 

Panorama chrono-culturel afin de replacer les cultures en géographie et en chronologie pour aborder les aspects thématiques :

2. La première époque - environ 3500 à 2800 avant notre ère

En Europe orientale, les choses sont compliquées et bien différentes de ce qui se passe chez nous, je me contenterai de vous mentionner la culture de Cucuteni qui s’étend de la Roumanie jusqu’à la Moldavie et à l’Ukraine à partir du milieu du 4e millénaire.

En Europe centrale, Deux grands ensembles se développent après 3500 :

La culture des Amphores globulaires dans l’Est de l’Allemagne, une partie de la république Tchèque, la Pologne et l’Ukraine de 3570 à 2470.

La Culture de Baden est un vaste ensemble qui couvre une partie de l’Autriche, la République Tchèque, le sud de l’Allemagne, l’Est de la Hongrie et jusqu’en Pologne de 3500/3400 jusqu’à 2900 avant notre ère.

Des ensembles plus restreints apparaissent en venant vers l’ouest :

En Suisse, le Horgen succédant au Pfyn de 3500/3400 à 2850.

Et dans une région encore plus restreinte le groupe de Lüscherz entre 2900 et 2700.

En Allemagne la culture de Wartberg qui succède au Michelsberg autour de 3600/3500 et jusqu’en 2900/2700.

Mais aussi le groupe de Cham, dans le sud, entre 3000 et 2800.
En Autriche, la culture de Mondsee (3800-2800).

En Europe occidentale, un Néolithique récent est défini dans certains secteurs et correspond à la présence de cultures qui soit dérivent des grands ensembles du Néolithique moyen, soit sont toutes nouvelles et sans liens avec les ensembles précédents.

Il s’agit généralement d’ensembles de bien moindre extension géographique et il y en a un certain nombre, dont je ne mentionnerai que les principaux.

Dans l’Est de la France, région de contact par excellence, les groupes culturels sont nombreux à faire sentir leurs influences,
mentionnons pour la période considérée les cultures suisse de Port-Conty vers 3500-3400 et surtout de Horgen (3200-3100) mais aussi des cultures d’autres régions de France comme le Seine-Oise-Marne (3250-2900) et le Ferrières (3100) et des développements originaux comme le groupe de Clairvaux (3000-2700).

Dans le Bassin Parisien et le nord de la France, le groupe Seine-Oise-Marne de 3400/3300 à 2900/2800 environ. Mais ce groupe fait aujourd’hui l’objet de nouvelles recherches et est appelé à être redéfini et sans doute divisé en plusieurs ensembles géographiques.

En Bretagne et dans l’ouest de la France, une série de groupes peu importants.

Dans le Midi de la France, après un Néolithique récent encore méconnu entre 3700/3500 et 3300/3200 marqué par la disparition progressive et la dislocation du Chasséen en même temps que par l’apparition de nouveaux ensembles totalement différents, se développent une série de groupes qui sont maintenant bien connus :

Le Couronnien en Provence (3300/3200 – 2800/2700),

Le groupe de Ferrières en Languedoc oriental (3300 – 2800),

et le groupe Verazien ancien en Languedoc occidental (3300 – 2800/2700),

ainsi que le groupe des Treilles sur les Causses (3300/3200 – 2200 ?).

Ces groupes durent jusqu’autour de 2800 avant notre ère (sauf les Treilles qui perdurent). Ces groupes sont liés à la diffusion du mégalithisme dans le Midi de la France et le groupe de Ferrières va connaître des influences et des extensions très lointaines, jusque dans le Jura par exemple.

L’Espagne du nord-est garde ses relations avec la France et est occupée à la même époque par le groupe de Véraza (3300/3200 – 2500/2400).

Dans le sud de l’Espagne, on va parler pour cette  époque de la culture d’Almeria (3500-3000 ?).

Et au Portugal, de la culture de Villa Nova de Sao Pedro qui est la plus florissante des différentes cultures de l’âge du cuivre de la côte atlantique et qui perdure dans la seconde époque (3500-2500).

En Italie du sud, retenez le nom de la culture de Gaudo qui se développe à partir du milieu du 4e millénaire (3500-3000).

En Italie centrale, la situation est plus complexe avec deux cultures qui vont s’étendre assez tardivement dans le 3e millénaire : les cultures d’Ortucchio (3500-3000) et de Conelle (3500-3000).

En Italie du nord, il va s’agir tout d’abord de la culture de Spilamberto (3500 – 3000/2800) et des céramiques dites à écailles.

En Corse, une culture va occuper toute cette chronologie jusqu’à la fin du 3e millénaire puisqu’elle semble refuser le Campaniforme : il s’agit de la culture terrinienne (3400 – 2200/2000 ?).

En sardaigne, les cultures semblent moins stables mais très florissantes : Après la culture de Sub-Ozieri, il va s’agir de la culture de Filigosa (3000 – 2500 ?) puis de la culture d’Abealzu (3000 – 2500 ?) dont la succession est encore mal assurée.

 

3. La deuxième époque – environ 2800 – 2200 avant notre ère (hors campaniforme) :

En Europe centrale et septentrionale, c’est le moment du développement d’un très vaste complexe qui va regrouper la culture des sépultures individuelles (Single grave culture) et la civilisation Cordée du nom du décor des gobelets réalisé à la cordelette (2800 – 2350 et au-delà).

Cet ensemble va couvrir l’essentiel de l’Europe centrale et septentrionale avec des extensions notables vers l’ouest entre 2800 et 2350, avec donc une phase de synchronie importante avec l’autre grand phénomène de la période qui est le phénomène campaniforme. Et sans doute, une extension chronologique jusqu’au Bronze ancien, pour les sépultures individuelles dans les secteurs les plus septentrionaux.

Au sud de cet ensemble, il faut mentionner la culture de Vucedol qui se développe au niveau de l’ex-Yougoslavie pendant le 3e millénaire (3000 – 2000 ?).

En Suisse, le Cordé (2800-2400) semble bien présent sur une grande géographie et où il va côtoyer un autre ensemble culturel appelé culture d’Auvernier (2700-2400) qui se développe de 2700 à 2400 sensiblement à la place du Lücherz.

En Europe occidentale :
Dans l’Est de la France, le Cordé (phase moyenne : 2700-2400) fait sentir son influence et se développent deux groupes majeurs :
Le groupe de Chalain (2700-2400) dans le Jura et la civilisation Saône-Rhône (2750-2450 ?) dont le concept doit encore être discuté et correspond sans doute à de multiples influences entre groupes para-fontbouisses au sud et Cordé au nord et à l’Est.

Les groupes d’Artenac (ouest du Bassin), Deule-Escaut (nord) et Gord (2900-2500) dans le Bassin Parisien et le nord, de 2900 à 2600/2500.

Dans l’ouest de la France, c’est le groupe d’Artenac ou Artenacien (2900 – 2200 ?) qui occupe l’essentiel de la géographie et de la chronologie de 2900 à 2400 et peut-être ponctuellement au-delà.

Dans le Midi de la France, le Groupe de Fontbouisse (2900/2800 – 2400/2300 ?) se développe à partir de 2900-2800 en Languedoc oriental et influence le groupe Rhône-Ouvèze (2800-2400) en rive gauche du Rhône et le Vérazien récent (2800/2700 – 2300 ?) et le groupe des Treilles perdure vers l’ouest.

Le groupe de Fontbouisse et ses épigônes connaissent des influences assez loin dans la vallée du Rhône, et partagent un certain nombre de traits avec le groupe d’Artenac dans l’Ouest. Ces groupes vont perdurer jusqu’au développement des groupes campaniformes régionaux et même parfois au-delà.

Dans le Midi méditerranéen, vous pouvez observer les différences artificielles dues aux recherches et aux chercheurs d’une région à l’autre. La situation qui semble différente à l’est et à l’ouest de la zone de développement du groupe de Fontbouisse est peut-être artificielle :
A l’est vous pouvez observer une nouvelle culture qui est formée d’une influence du groupe de Fontbouisse sur le substrat régional couronnien.
A l’ouest, vous trouvez le groupe de Veraza immuable, qualifié de récent, même s’il a lui aussi subit l’influence du groupe de Fontbouisse qui en modifie une partie de la culture matérielle.

Dans le sud de l’Espagne, une autre culture très florissante va se développer en Andalousie avec la culture de Los Millares (3000-2500).

En Italie du sud, c’est la culture de Laterza (3000-2400) qui occupe la fin du Néolithique.

En Italie centrale, on distingue un Eneolithique Toscan et une culture qui n’est quasiment connue que dans des sépultures et appelée culture de Rinaldone (3000-2400).

En Italie du nord se met enfin en place le groupe de Remedello (3000-2400) dont la notion est parfois contestée et on lui préfère le concept de culture à céramique à métopes ou métopale.

En Sardaigne, se développe la culture de Monte-Claro (3000-2400 ?) pendant le 3e millénaire.


A partir de 2500 – 2400 Le phénomène campaniforme va traverser l’Europe et s’implanter au contact de ces cultures du Néolithique final 2. Dans certains cas, le Campaniforme va transformer plus ou moins radicalement ces cultures locales alors que dans d’autres régions le Campaniforme ne parviendra pas à se développer voire même à s’implanter. (Cf. prochain cours).


Les cultures locales perdurent plus oui moins longtemps dans les régions où le Campaniforme s’implantent en Europe occidentale, selon des Histoires régionales différentes. Elles finissent par disparaître au plus tard avec la mise en place des groupes du premier Bronze ancien entre 2200 et 1800 selon les régions.

Bibliographie

Pour l’essentiel de ces cultures et l’iconographie générale voir les atlas du Néolithique européen :

KOZLOWSKI J. (Dir.) – Atlas du Néolithique européen, volume 1 : L’Europe orientale, Liège : Université de Liège, 1993, 550 p., 5 fig. et 4 pl. H.T (ERAUL, 45)

GUILAINE J. (Dir.) – Atlas du Néolithique européen, volumes 2A et 2B : L’Europe occidentale, Liège : Université de Liège, 1998, 1071 p. (ERAUL, 46A et 46B)

Un site web :

 http://www.comp-archaeology.org/Central_European_Neolithic_Chronology.htm

Sur un aspect de la complexité de la période et de la recherche en France méditerranéenne :

LEMERCIER O. (2007) – La fin du Néolithique dans le sud-est de la France. Concepts techniques, culturels et chronologiques de 1954 à 2004, in : EVIN J. (Dir.) : Un siècle de construction du discours scientifique en Préhistoire, Actes du XXVIe Congrès Préhistorique de France, Avignon, 21-25 septembre 2004, Volume I, Paris, Société Préhistorique Française, 2007, p. 485-500.

Et voir le nouveau manuel :

CAUWE N., DOLUKHANOV P., KOZLOWSKY J., VAN BERG P.-L. (2007) - Le Néolithique en Europe, Paris : Armand Colin, 2007, 381 p. (Collection U, Histoire).

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